CWE KOUO’ ou RITUEL DE LA CHAISE chez LES BAHAM

Chaque enfant bamiléké a un certain nombre d’obligations traditionnelles à remplir dans sa concession d’origine, entendu ici comme sa concession d’appartenance.

Il doit les accomplir en grandissant et au fur et à mesure de la mobilisation des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses taches.

Ces obligations sont notamment :

  • Demander l’autorisation de fumer la pipe à son père
  • Donner du bois a son père
  • Donner à manger aux femmes et enfants de la concession
  • Demander sa femme (la première) a son père pour les gars
  • Demander sa concession (terrain d’établissement) à son père
  • Construire sa propre maison
  • Devenir membre de la ou des confréries de la concession lorsqu’il y en a.
  • Et surtout se faire installer sur le Tabouret (cwe kouo’) dans sa concession

Cette dernière obligation concerne aussi bien les enfants garçons que les enfants filles.

PRÉALABLES

Pour organiser une telle cérémonie, il y a 3 principales conditionnalités : la faisabilité, les acquis de la génitrice de l’aspirant et l’autorisation du chef de famille (grand- père).

Il faut qu’il soit possible de faire une telle cérémonie dans la concession concernée avant de l’envisager.

Cas explicatif : un migrant qui s’installe dans un autre village, fait des enfants et décède sans s’être acquitté de ce devoir dans sa concession de départ, son successeur prend les reines et fait des enfants; un de ses enfants demande à faire cette cérémonie. Ici, l’on peut dire qu’une pareille manifestation n’est pas possible. Il faudrait transférer ou aller « porter » la chaise dans le village d’origine de l’ancêtre migrant.

La génitrice du postulant, encore appelée la mère du postulant, doit s’être acquittée de l’obligation du

« cwe kouo’ » chez son père, ou chez le beau-père maternel (en langage lourd). Le seul avantage accordé à l’enfant fille c’est d’être mariée, et avoir des enfants qui lui fourniront les moyens matériels nécessaires à son obligation du « cwe kouo’ ».

A Baham, elle le fait avec son premier fils garçon, à qui elle transfère tous les attributs reçus de son père. Ce qui ouvre la voie à tous ses propres enfants qui souhaitent s’acquitter de ce devoir dans l’avenir.

Autrement appelé responsable de la concession, il doit donner son accord sous conditions, dépendant des concessions :

  • Contribuer ou avoir contribué au développement de la concession (participation aux travaux passes et en cours)
  • Don d’une queue de cheval blanc (par exemple)
  • Don d’une longue étoffe traditionnelle (ndop)
  • Don d’une peau de panthère (ou tout objet d’art emblématique)
  • Il peut être instauré le don d’un porc au responsable de la concession
  • Le grand père peut exiger l’adhésion à des confréries familiales s’il y en a.

 

PROGRAMMATION

Après ces préalables, l’on envisage la programmation de la cérémonie proprement dite. Il faut choisir le jour en tenant compte du temps nécessaire à sa préparation.

  • Rappelons ici qu’a Baham, les jours consacrés sont Tamgweu et Tamdze
  • Après avoir fixé une date, commencent les préparatifs.

ACTIONS PREPARATOIRES

Désigner le partageur de sel.

Un élément symbole obligatoire faisant partie du processus est la distribution du sel. Il s’agit du sel en gousset, dont le nombre dépend de la personne qui reçoit.

Les principaux destinataires sont: Chef de village (quartier), Notables et tout citoyen ordinaire s’étant déjà acquitté de cette cérémonie.

De nos jours, le sel est converti en argent liquide. Dans certains villages, le traitement du chef se fait de façon particulière. Le partage se fait à la base dans le village du postulant, qui peut l’étendre a ses amis et connaissances s’étant déjà acquitté de ce devoir. Le partageur de sel est en même temps chargé de faire la publicité de la cérémonie projetée, et est le premier témoin temporel de la cérémonie.

Demande de taro.

L’aspirant doit demander le taro aux femmes de la concession. La forme de la demande dépend du postulant si rien n’est prévu à l’ avance. Ce taro sera consommé le jour de la cérémonie. Un premier mortier sera nécessaire la veille de la cérémonie, permettant de goûter la sauce jaune apprêtée pour la cérémonie.

Habiller le père et la mère de l’aspirant.

Prévoir des vêtements pour le père et la mère de l’aspirant (postulant). Le cwe kouo’ est à la base une affaire de famille dont les parents du postulant sont les exécutants du rituel. Dans les grandes familles, il peut y avoir des notables et des reines mères; leur traitement (don de cadeaux) est spécial en lien avec la cérémonie.

Traitement des prédécesseurs

Si dans la concession il existe des membres de la famille s’étant déjà acquitté de cette cérémonie, il y a lieu de prévoir leurs cadeaux pour la circonstance. Par exemple, le don d’une tine d’huile. Dans certaines familles, est instauré un clan appelé « CHAM », dont le postulant est astreint à certaines conditions pour en être membre.

Les achats

Le nombre de tines d’huile et la quantité de boisson selon la codification du village du postulant, le matériel nécessaire a l’initiation dont notamment 2 boucs castrés (dze si et dze kouo), quelques goussets de sel, quelques régimes de plantain, préparer la couronne du rituel (dwa), du tabac, de la cola, du vin de raphia, le sac du voyage d’affaires, les allumettes. Matériel  acheté en double : chaise, tabouret en bois trépied, la pipe, le chapeau, la corne de buffle (tou’ hwoung).

Nourritures

  • Nourriture 1: gastronomie réservée, kondré chèvre préparé avec le dze kouo’, pour ceux qui se sont déjà acquittés de cette cérémonie.
  • Nourriture 2: gastronomie générale, nourriture et boisson prévues pour tous les présents qui doit être au standing que voudrait donner le postulant ou aspirant à sa fête

 Aménagement du site et jour-J

  • L’aménagement du site qui se déroule dans la cour intérieure de la concession (chue dye) décorée avec une atmosphère festive.
  • Choisir une saison appropriée pour la fête.

UNE CEREMONIE EN 2 JOURS

Premier jour

Immolation du dze si (bouc castré) appelé houa si au « tchuep si » principal de la concession. Faire l’offrande sur le site selon les rituels consacrés et partager la viande à l’assistance présente. Cette action peut se faire longtemps avant le jour J (recommandation). En général, lorsqu’on ressent les effets de la malédiction du cwe kouo non réalisé, il est conseillé de commencer par cette offrande avant de s’organiser pour la cérémonie.

Immolation du dze kouo, faite dans la case des cranes de la concession. Apres l’offrande des parties tendre aux cranes et la requête de leur bénédiction, le reste de viande est conserve pour la marmite de kondré des inities et le rituel d’initiation.

Le partage de l’huile restreint aux frères (entendus fils et filles de la famille), que le postulant peut étendre a certains dignitaires et amis selon sa guise.

Préparation de la sauce jaune : pour gouter cette sauce, il faudra prévoir du taro, un petit repas ainsi que de la boisson

Préparation du taro qui servira à l’initiation est faite par la femme du postulant.

Préparation du na’ kéé (sorte de sauce sans huile rouge) si possible par l’épouse du postulant. Cette sauce est utilisée pour l’initiation et le partage du taro par le postulant.

S’assurer que l’aménagement du site est correcte, et que la gastronomie prévue le lendemain sera prête pour la fête.

Une parfaite coordination générale est recommandée, habituellement faite par une personne appelée le « guin kam ».

Deuxième jour

  • Mise en place de l’assistance: membres de la famille, habitants du village (quartier), les amis et connaissances.
  • Acteurs principaux: père et mère de l’aspirant, bien vêtus avec les habits du cérémonial (neufs) offerts par l’aspirant.
  • Mise a vue de tous les objets nécessaires au rituel avec en particulier un gousset de sel sur la chaise et un autre sur le tabouret.
  • Rituels: initiation du postulant a s’asseoir sur la chaise, la pose de la couronne du dwa, l’initiation du postulant à s’asseoir sur le tabouret en bambou, l’initiation du postulant à boire dans le tou’ houng (corne de buffle), l’initiation du postulant à fumer la pipe, l’initiation du postulant a manger de la viande, l’initiation du postulant à manger du taro, l’enfilement du chapeau au postulant, la simulation du voyage d’affaires du postulant avec un retour fructueux, l’attribution d’un nom de notabilité valable uniquement dans la grande famille.
  • La cérémonie se clôture par la gastronomie apprêtée pour la circonstance : quantité et qualité selon le standing souhaité par le récipiendaire.
  • Cas spécial : Si la cérémonie est organisée lorsque le postulant a déjà sa propre concession, on peut y adjoindre celle d’implanter un site sacré (tchuep si), ce qui consacre son autonomie vis-à-vis de son père.

CONCLUSION

  • Le fils ou la fille vient ainsi de franchir une étape importante de la vie traditionnelle, qui lui confère une certaine notoriété. Il rejoint ainsi les privilégiés qui peuvent s’asseoir sur le tabouret « traditionnel ». C’est une condition sociale nécessaire, mais pas suffisante pour accéder a une confrérie du royaume.
  • Auparavant, l’on discriminait la cérémonie de la chaise (cwe kouo’) et la cérémonie du tabouret (cwe lin), espacées dans le temps.
  • Dans beaucoup de villages, la cérémonie est allégée en supprimant l’initiation aux différentes nourritures. La mise sur le tabouret se faisant de façon collective par les initiés.

On est en droit de se demander ce que risque un individu qui ne s’est pas acquitté de cette cérémonie :

  • Les conséquences comme dans la plupart des actes traditionnels ne sont pas justifiables scientifiquement. Cependant, la mythologie coutumière (légende) évoque : les maux de hanche chroniques, la paralysie partielle, le manque de réussite matérielle, l’humiliation de ne pas s’assoir lors des rencontres publiques avec les personnes initiées et le droit d’admission aux confréries, etc…
  • Rappel: un héritier traditionnel a l’obligation de s’acquitter de cette cérémonie dans les mêmes règles que ses frères et sœurs car l’on ne reçoit pas ce rituel en héritage.

REFERENCES

  • Albert KAMTCHUENG, écrivain et chercheur
  • David Nguiffo : L’éducation de la jeune fille et du jeune garçon en langue Ghomala’ dans
  • Albert Fomkom, Notable, Conservateur au Musée Royal de Baham
  • Samuel Kamgaing dit Deffeu Kamkouo, notable à la cour royale de Baham
  • Reportage vidéo: Vente du NDOP et accessoires traditionnels
  • Page Facebook: Recueil d’informations dans notre société.
  • Expériences personnelles : cheminement en 5 cérémonies.

Auteur de l’article: Godefroy Kangmengne

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